Constitution de la blessure
Ce texte est un résumé de lectures, d’enseignements et d’expériences personnelles. Elles doivent beaucoup à diverses personnes et auteurs dont on trouvera une bibliographie en annexe.
Il s’agit de découvrir que Jésus est vivant.
Plan :
1. Assimilation des événements
2. Le surmoi : gendarme intérieur et miroir intérieur
3. Le mécanisme de refoulement
4. Le mécanisme de répétition
5. Le mécanisme de réactivation
6. Le mécanisme de rassurement
7. Eléménts de bibliographie
1. Assimilation des événements
Le monde extérieur nous rejoint à travers nos cinq sens.
Ce que nous avons vu, entendu, perçu produit en nous une représentation (une image) et un affect (ou émotion, passion, sentiment). L’image et l’affect sont emmagasinés dans la mémoire sous forme d’un souvenir habituellement heureux.
Les souvenirs sont subjectifs, ils ne sont pas seulement produits par l’événement extérieur mais, davantage, par ce que nous en faidsons. Chacun de nous est « impressionné » de manière unique. Les souvenirs sont continûment retravaillés.
Les événements constituent des réalités plus ou moins assimilables. S'ils sont assimilés, l’unité intérieure est préservée.
La capacité d’assimilation varie d’une personne à l’autre selon :
() Le caractère (inné) : la sensibilité, etc.
() L'histoire personnelle (acquis) qui façonne la manière de ressentir, de voir, d’entendre, d’imaginer à partir de ce que chacun pense avoir vu ou entendu.
() L'âge : faible chez l’enfant qui est débordé par ses émotions (cf. supra « conscience d’amour ».)
() Le désir d'évoluer, de pardonner, etc. (cf. supra)
1. Non assimilé, l'événement extérieur devient blessant
L’événement extérieur, même impressionnant, ne fait pas encore la blessure ; celle-ci résulte de la non-assimilation de l’événement par le psychisme. Ce qui est déterminant est la manière dont l’événement est vécu, la manière dont nous y réagissons ‘inconsciemment’. Un événement ‘grave’ peut être parfaitement assimilé, inversement un incident anodin peut porter à conséquence. L’événement blessant est celui qui bouleverse et menace l’équilibre intérieur parce qu’il n’est pas assimilé : indigeste, il reste sur l’estomac.
Pourquoi inassimilable ? La raison principale est à chercher du côté d’une instance de l’inconscient, le surmoi, qui interdit l’expression du sentiment éprouvé. Voilà exactement ce qu’est la blessure : le conflit intérieur qui oppose l’événement intériorisé au surmoi (= le gendarme intérieur) qui l’interdit. A l’affect bloqué s’ajoute une souffrance intérieure liée à divers sentiments (culpabilité, impuissance, colère, haine, révolte, etc.) : ensemble l’affect interdit et la souffrance surajoutée constituent une charge affective.
Le conflit intérieur (endo-psychique) monopolise l’attention et consomme de l’énergie, il occasionne une division intérieure.
2. Pas de victimisme !
La blessure est la manière dont nous avons réagi à un événement peu assimilable. Or, pour s’expliquer notre mal-être, nous incriminons les événements ou les personnes oubliant que nous sommes l’ingrédient principal de la constitution de la blessure. Pour le dire autrement, ce n’est pas la gravité objective de l’événement extérieur (traumatisme, offense, etc.) qui fait la blessure mais la manière dont nous y avons réagi.
A la limite, une blessure intérieure peut être la conséquence d’un événement imaginaire.
Inversement, un événement sérieux peut n’avoir laissé aucune trace car parfaitement assimilé, nous avons pu lui donner un sens et l’intégrer (résilience).
3. Il est normal que la vie soit ‘blessante’
Toute vie expose à des événements plus ou moins traumatisants : paroles mal interprétées, deuils, échecs, étapes de croissance, séparations, etc. Vouloir éviter à tous prix conflits et séparations n’est ni possible, ni souhaitable : l’enfant doit quitter la chaleur rassurante de la relation fusionnelle avec sa mère ; il doit traverser l'épreuve de l’éloignement progressif de sa mère pour découvrir qu’il n’en est pas pour autant moins aimé et ainsi grandir en autonomie.
Une maman fatiguée dit à son enfant : « Ne reste donc pas dans mes jambes, tu vois bien que je suis en train de travailler ! » et l'enfant entend : « Laisse-moi tranquille, je ne t'aime pas... tu es toujours de trop... tu me déranges ; je me sens mieux quand tu n'es pas là... » Et voilà l'enfant tout bouleversé, pour longtemps peut-être, alors que la maman ne disait pas cela.
A la limite, une blessure intérieure peut ne pas être liée à un événement objectif mais imaginé. Ceci est de nature à déculpabiliser des parents anxieux. Qu’ils veillent avant tout à aimer leur enfant en communiquant avec lui : l’inquiétude serait mauvaise conseillère, de même refuser d’exercer leur autorité serait tout aussi blessant pour leur enfant.
4. La conscience d’amour
Chez le tout-petit, avant la naissance puis durant les premières années, une carence d'amour blesse la conscience d'amour. Cette conscience qui mesure la qualité de l’amour qui nous est manifesté n'est pas tempérée chez le tout-peit par la raison (la compréhension) qui ne se développe que plus tard.
Qu’est cette conscience d’amour ? Au moment de la conception, tout être humain fait l'expérience comblante de Dieu et de son amour. Il en reste marqué définitivement : c’est la conscience d'amour. Cette mémoire spirituelle nous assure que Dieu est notre Père et qu’il nous aime inconditionnellement. Ce que nous vivons ultérieurement est évalué à l’aune de cette expérience originelle d'amour comblant. C'est comme si l’enfant avait un « thermomètre d'amour », seul instrument à sa disposition pour mesurer l’affection dont il est entouré. La conscience de la présence ou de l’absence d’amour à son égard, précède l’utilisation du langage.
Par conséquent, si, dans le sein maternel, ce qu’il ressent est agréable et comblant - « Maman se sent bien, elle m’aime, elle est heureuse, reposée, et ne ressent aucun manque important » -, l’enfant se sent aimé. Si ce qu’il sent est désagréable du fait d'un manque - « Maman est soucieuse, angoissée, fatiguée » -, il se sentira moins aimé : le manque de repos, de sérénité ou de joie maternelle sont interprétés comme des manques d'affection. Il s’en tiendra souvent responsable, fautif, coupable. Pourtant, la fatigue ou les soucis n'empêchent pas une maman d'aimer son tout-petit ! Quel que soit l’amour effectif que lui porte sa mère, le tout-petit décode erronément la fatigue maternelle et vit cela comme un manque d'affection. Que dire si la mère est ambivalente à son égard et manque réellement d'affection ?
Voilà comment se constitue un terreau favorable à la germination ultérieure des blessures. Nous naissons fragilisés par cette première souffrance de la vie intra-utérine à moins qu’elles n’aie été atténuée par notre mère. Les paroles qu'elle nous adressait a pu rassurer sur l'amour qu'elle nous portait (cf. Haptonomie).
Ces expériences intra-uterines, heureuses ou douloureuses, sont enregistrées sous forme de réminiscences inconscientes sans qu'elles correspondent nécessairement à une réalité objective. Ces réminiscences sont actives et se traduiront plus tard par un mal-être indéfinissable, des peurs, des angoisses, etc. Notre sentiment de la vie, notre capacité de l'accueillir et d’entrer en relation avec Dieu s'en trouvent altérés. La souffrance in utero fragilise et risque bien de conditionner certains comportements ultérieurs.
5. La blessure de séparation
Parce qu’il est dans une totale dépendance, à chaque étape de sa croissance l'enfant doit gérer la crainte d’être abandonné. L’abandon est la blessure qui sommeille au cœur de toutes les blessures de l'adulte. Il est vécu comme un manque d'amour extrême. L'éloignement de la maman, suscite une angoisse de mort - le mot n'est pas trop fort. Tant l'enfant abandonné se sent menacé dans son existence même. Cette angoisse se double souvent d’une culpabilité inconsciente : « si je manque d’amour, se dit l’inconscient, cela doit être mérité, c’est une punition, j’ai dû fauter, je suis responsable donc coupable du mal qui m’est arrivé. »
6. La séparation à la lumière de la foi
Dans le livre de la Genèse, nous voyons que, pour créer, Dieu commence par séparer : séparer la lumière des ténèbres, les eaux de la terre... Lors de la création du genre humain « Homme et femme, II les créa », le Créateur prélève une côte d'Adam, de cette séparation naît Eve. Au commencement, l’acte de séparer permet de faire émerger la vie, et cela sans souffrance ! « Dieu vit que cela était bon. » La dépendance, la finitude d’Adam, sa nudité sans honte étaient bienheureuses.
La foi invite à voir dans la première rupture entre l'homme et son Créateur, l’origine d’une angoisse de séparation originelle dont nous continuons à souffrir. L'humanité en prenant l'initiative de rompre la relation d'amour avec Dieu, a contrecarré le plan de Dieu, et provoqué un bouleversement. Dès lors, sans Dieu, les étapes de croissance sont vécues dans la souffrance et l'angoisse : naître devient pénible !
Pour vivre exempt de souffrance, il aurait suffi à Adam d’accueillir la dépendance d'amour que Dieu lui offrait. Parce qu’il a douté de l’amour du Créateur et a opté pour la méfiance, il s’est retrouvé abandonné à lui-même: les yeux d'Adam s'ouvrent, il se voit nu. Découvrant sa fragilité, sa vulnérabilité et se sentant responsable, il a ressenti une angoisse d'abandon et une culpabilité dès l’origine : Adam se cache. Bien que l'angoisse et la culpabilité ne nous sont pas constitutives (nature humaine), elles nous sont devenues comme une seconde nature (condition humaine). Personne n’échappe à cette inquiétude, dont nous pâtissons au long de notre existence.
Ainsi, l’amour semble premier chez l’être humain.
7. Quelques sources classiques de blessure de l’enfant
Dans le sein maternel : enfant non-désiré, enfant de remplacement, enfant conçu hors mariage, père inconnu ou absent, décédé, infidèle, en captivité, agression dans le sein maternel, tentative d’avortement, naissance difficile, mère ambiguë quant à son désir de l’enfant, perte d’un jumeau, etc.
Blessures de l’enfance par les figures d’autorité maternelle et paternelle : autoritarisme, manque de tendresse, alcoolisme, abus sexuel, divorce, remariage, etc.
A partir de l’âge de raison, l’impact d’une blessure est limité par la compréhension et l’exercice de la liberté de l’enfant. Il est moins impuissant vis-à-vis de ce qui lui arrive, il peut décider d’aller ou non du côté de la vie, de pardonner ou pas, etc. Le refus de pardonner empêche l’assimilation du truma et favorise la pérennisation de la blessure. Le refus de pardonner lorsqu'il est volontaire rend malade. Jésus, a contrario, qui a reçu des coups et vécu des trahisons, n’a jamais constitué de blessure. En ce sens, il n’a jamais été blessé.
Ce que nous retenons
La blessure est un conflit intérieur entre un affect et le surmoi qui l’interdit. Non assimilé, l’affect s’enkyste sous forme d’une charge affective qui divise et fragilise la liberté intérieure.
Ce n’est pas parce qu’il y a un trauma supposé ‘blessant’ qu’il y a nécessairement blessure. On ne peut l’inférer. L’impact d’un événement dépend avant tout de la capacité d’assimilation de la personne. Il serait préjudiciable de conclure à l’existence de tel type de traumatisme au vu de tel trauma. Inversement si, une personne pointe un incident mineur à la source de sa souffrance, il n’y a pas lieu de rejeter son témoignage. Ce qui compte est la manière dont la personne a réagi et ressenti l’événement.
La vie ordinaire apporte des événements potentiellement ‘blessants’ : les éviter empêcherait de grandir. Les parents ne doivent pas indûment se culpabiliser : l’éducation oblige à vivre certaines frustrations et renoncements. Le plus blessant pour l’enfant pourrait résider dans leur inquiétude et leur renoncement à faire grandir.
Dans la constitution de la blessure, nous incriminons l’autre ou les événements oubliant habituellement notre propre participation. Habituellement, ce qui blesse le plus sont nos propres défenses. Refuser cette responsabilité empêche le chemin de guérison qui consiste à réviser nos défenses devenues encombrantes.