« Mon expérience des assemblées charismatiques » 

« J’aimerais témoigner de ce que j'ai vu, écrit J.B., lorsque j'ai rencontré le Renouveau charismatique : l'imprévisible, l'inat­tendu de l'Esprit ». Ce témoignage est comme un écho fidèle de ce qui se passe dans les groupes de prière lorsque elle-ci  y est effectivement inspirée. Un témoignage apte à raviver notre désir...

 

L'assemblée: un peuple de louange

Il y avait là 200 è 400 personnes, rassemblées en cercles concentriques. Et de cette assemblée, c'était comme une houle de louange qui s'élevait vers le Sei­gneur. La prière jaillissait de partout. Quand elle semblait s'arrêter d'un côté, elle repartait de l'autre. Il y avait des chants (nouveau pour moi, mais qui me semblaient beaux, et dont le texte était souvent très proche de l'Ecriture). Il y avait de nombreuses interventions per­sonnelles. Les uns apportaient un témoignage. D'autres exprimaient tout haut la prière qui était dans leur coeur. D'autres lisaient un texte de la Bible. D'autres lançaient un chant, qui était repris par l'assemblée (avant même que les « novi­ces » aient eu le temps d'en trouver la page dans le livret).

 

Le chant en langues

Parfois quelqu'un se levait et chantait un texte de l'Ecriture (un psaume par exemple) sur un air qu'il improvisait, étant aussi accom­pagné en sourdine par cent autres qui chan­taient bouche fermée. Parfois c'est le texte même qui était improvisé en même temps que la musique. Certaines fois quelqu'un chantait « en langues » (une suite de sons inintelligibles). D'autres fois c'était toute l'assemblée qui chantait en lan­gues. Cela partait d'un point, ou même de plusieurs points en même temps, et cela gagnait toute l'assistance comme une espèce de mur­mure harmonieux qui naissait, s'enflait, se modulait, s'enrichissait de riches vocalises, puis s'éteignait de façon très douce.

A priori, quand cinquante ou cent personnes se mettent à chanter n'importe quoi, sur n'importe quel air, on pourrait s'attendre à une cacophonie épouvantable. Je dois dire que c'est arrivé quelquefois, mais bien rarement. Le plus souvent ces chants étaient d'une pureté et d'une beauté presque indicible. Ils avaient le don d'induire dans l'âme un état de paix, de joie et de prière. Et presque toujours, ils étaient suivis d'un moment de silence d'une qualité remarquable.

 

La louange spontanée

Après un chant, un moment de louange spon­tanée pouvait naître, tout seul pour ainsi dire. Tout le monde se mettait à louer le Seigneur à haute voix. Et c'était alors un bruissement ou même un fracas, un peu analogue à celui des vagues de la mer. Une mer travaillée et soulevée par l'attraction du soleil (ici le soleil qui soulevait l'assemblée, c'était le Seigneur). Des vagues successives de louange se formaient, grossissaient, déferlaient, suivies de nouvelles vagues. L'ensemble était indistinct. J'enten­dais simplement ce que disaient mes voisins (Merci Seigneur, Gloire à Toi, Tu es grand, Tu es saint, Tu es mon espérance, Tu es ma vie, sois le Seigneur de mon coeur, Tu es mon Sau­veur, glorifie ton nom parmi nous, ou simple­ment: Jésus, Jésus, Jésus..., Jésus Seigneur, Jésus Sauveur, etc.).

Ces mots très simples m'édifiaient beaucoup : j'admirais la foi de ces frères, une foi capa­ble de s'exprimer sans respect humain, sans fausse honte, sans crainte du ridicule, devant tout le monde, alors que moi je restais bou­che cousue et muet comme une carpe (mais aussi muet d'admiration). Il arrivait à l'as­semblée d'applaudir. Elle applaudissait le Sei­gneur. Quand les mots faisaient défaut, alors c'était la louange des mains qui prenait le re­lais de la louange des lèvres. Dans tous les cas, c'était la louange du coeur.

 

Un fil conducteur cependant

Cette description bien pauvre pourrait don­ner l'idée d'une prière brouillonne et désor­donnée. Certes rien n'était préparé ni prévu à l'avance. Et pourtant la plupart du temps tout s'enchaînait et se répondait d'une façon étonnante, comme si tout avait été soigneuse­ment programmé dans les moindres détails. Souvent, à la fin, un regard attentif pouvait discerner quelque chose comme un fil conduc­teur. En tous cas, il y avait au moins des « séquences » qui pouvaient apparaître aux plus distraits et qui frappaient souvent les nouveaux.

Par exemple, quelqu'un lit un texte de l'Ecri­ture. Un autre déclare: « Je confirme, j'avais le même texte (ou un texte parallèle) ». Cela était reçu alors comme une volonté du Sei­gneur, et la prière pendant un moment au moins, se conformait, dans les chants et dans les interventions, au thème du texte qui avait été lu.

Autre exemple: quelqu'un demande au Sei­gneur de le convertir. Aussitôt un autre, à l'autre bout de l'assemblée, lit un texte qui justement porte sur la conversion et qui paraît exactement répondre à la prière du premier. Le texte à son tour amène un chant en rapport avec ce qui précède et ainsi de suite. Quand un témoignage est donné d'une mer­veille de Dieu, alors il est suivi d'un chant d'action de grâces (Nous Te rendons grâces pour tant de merveilles, nous Te bénissons pour tant de tendresse...).

 

Des gens qui s'impliquent dans la prière

Un texte de guérison vient d'être lu. Il con­tient la phrase de Jésus: «  Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Alors successivement des assistants réagissent comme si cette question leur était posée hic et nunc par le Seigneur en personne; et ils expriment successivement leur prière: « Seigneur, fais que je voie: donne-­moi la lumière... Seigneur, libère-moi de mon mauvais caractère, de ma peur, de mon res­sentiment, de l'alcool, de la sexualité... » J'ai entendu bien des fois des prières de ce genre, qui supposent chez celui qui les fait beaucoup de foi et d'humilité, et aussi beau­coup de confiance dans les frères. Chaque fois, j'ai été édifié. Et je n'ai jamais vu un sourire, ni un regard indiscret. J'ai toujours senti au contraire, dans l'assemblée, une immense com­passion, une compassion qui se garde de ju­ger, et qui se fait supplication et intercession). Ces prières successives étaient, du reste, sou­vent entrecoupées de chants appropriés : 

  • Guéris-le (la)      Seigneur, guéris-le... 

  • Il vient nous      libérer, Jésus-Christ, Il vient pour nous sauver, Jésus-Christ...

  • Ne crains pas, ne      crains pas: je t'ai ra­cheté ; ne crains pas, ne crains pas, je suis avec toi,

  • etc...

 

Des paroles qui transpercent le coeur

Beaucoup d'autres (ça m'est arrivé) pou­vaient recevoir en plein coeur une parole (une « prophétie », un chant, un texte) comme si elle leur était personnellement adressée, et en être bouleversés. Parfois certains le disaient : « Cette parole est pour moi » et ils expli­quaient pourquoi. Cela donnait pour un temps une orientation à la prière, qui se faisait, par exemple, prière d'intercession. Ce qui me paraissait nouveau ici, c'est que l'intercession était encore louange et action de grâces, ou, en tout cas, imprégnée de louange. On remerciait le Seigneur à l'avance pour tou­tes les grâces qu'Il allait donner, pour tout ce qu'Il allait faire (ce dont on ne doutait pas). De fait, ces prières étaient souvent exau­cées. On en recevait le témoignage quelques jours ou quelques semaines plus tard.

 

Des témoignages...

  • « Telle personne,      pour qui on a longue­ment prié; est maintenant guérie ». 

  • « J'étais alcoolique: j'ai demandé la prière des frères,      et maintenant je suis délivré de cet escla­vage et je ne suis plus un      ivrogne ».

  • « J'avais sans      cesse des idées de suicide, alors un jour j'ai vraiment crié vers le      Seigneur et depuis ce moment-là, les idées de suicide m'ont quit­tée      complètement ».

  • « Mon fiancé      avait abandonné toute pratique religieuse et s'était éloi­gné du Seigneur.      Nous avons beaucoup prié pour lui dans cette assemblée; maintenant il a      retrouvé Dieu et il est revenu à la pratique religieuse ».

Tout cela et bien d'autres choses, je l'ai en­tendu. Voici un des derniers témoignages que j'ai entendus: il est d'une femme, atteinte d'un cancer. Elle nous confiait à quelques-uns : « J’ai dit au Seigneur: Avec moi, Tu fais ce que Tu veux, mais convertis ma famille ». Peu de temps après, son mari, qui avait abandonné toute pratique depuis de longues années, lui dit tout de go un dimanche matin: « Alors, on va à la messe de 11 heures ? ». La femme ajoutait: « Il s'est inscrit pour venir avec moi à une session du Renouveau à Paray-le-Monial. Seulement, il y a encore les enfants... ». Naturellement ces témoignages nourrissaient la louange et fortifiaient la foi de tous.

 

...qui fortifient la foi...

Et de fait, dans tout ce que j'ai vu au Re­nouveau, ce qui m'a frappé peut-être le plus, c'est la foi, une foi qui ne doute pas, une foi qui croit tout possible, une foi à déplacer les montagnes, et qui effectivement déplaçait des montagnes. Il y avait aussi une extraordinaire atmosphère de conversion: sur le côté de la chapelle, il y avait plu­sieurs prêtres qui confessaient sans interrup­tion pendant toute la durée de la prière.

 

Une prière joyeuse

Très remarquable aussi la joie qui rayonnait sur les visages. La joie, don de Jésus, et fruit du Saint-Esprit. Vraiment, les gens avaient des visages de ressuscités, des visages transfigurés. On chantait parfois: « O Dieu, Seigneur, Tu es la joie de nos vies ». Et il était visible que c'était vrai. La joie de ces femmes et de ces hommes, c'était vraiment le Christ, non pas un Christ lointain, mais un Christ présent, vi­vant et agissant au milieu d'eux. Tout cela était beau. Beauté des chants d'abord. Je ne parle pas ici de leur beauté formelle ou esthétique (dont je suis mauvais juge). Les chants étaient beaux surtout d'une beauté spirituelle, d'une beauté d'âme, car c'étaient les coeurs qui chantaient. Beauté de la prière dans son ensemble, car c'étaient les coeurs qui priaient, et les lèvres parlaient de l'abondance du coeur.

 

Un peuple qui chante son Seigneur

Beauté de la vie, d'un peuple vivant, une communauté où tous n'ont qu'un coeur et qu'une âme pour bénir le Seigneur, où l'on se respecte, où l'on s'écoute sans s'interrompre, où l'on s'aime. (Sans parler à personne, ou presque, je vivais dans une communion extra­ordinaire avec cette assemblée. Cette commu­nion passait par Dieu. Les membres ne se re­gardaient pas les uns les autres, ils avaient tous les yeux (et le coeur) tournés vers le Sei­gneur, et la communion fraternelle était don­née comme un surcroît). Beauté d'un Corps vivant, le Corps du Christ, dont chaque membre est vivant et qu'on sent vivre. Beauté d'une Eglise, renouvelée du dedans par l'Esprit, semblable à la beauté de l'une de ces icônes devenues ternes et quasi méconnais­sables par l'injure du temps, et qui, comme par miracle, retrouvent soudain leur éclat ori­ginel. Vers 1973, dans une réunion oecuménique du Renouveau, un pasteur protestant, m'a-t-on rapporté, n'avait pu s'empêcher de s'écrier : « Seigneur, j'ai vu Ton Eglise ". Oh! oui, Seigneur, c'est beau, Ton Eglise, quand Tu fais souffler Ton Esprit.

 

Un printemps de l'Eglise

Beauté d'un printemps (un Renouveau), qui éclate soudain comme l'ouverture d'une sym­phonie, dans une profusion de grâces, de fleurs et de fruits. Printemps de l'Eglise après un long hiver. Parfois, après l'Eucharistie, dans l'action de grâces silencieuse, j'entendais, çà et là, des sortes de gémissements, peut-être les gémissements ineffables dont parle Saint Paul, des gémissements d'amour, en tout cas. Je les percevais comme les gémissements de l'univers en travail d'enfantement (les gémissements de la vie qui naît, ou renaît), ou encore comme les craquements du sol, sous la poussée d'une germination irrésistible. Et tous les groupes de Renouveau me faisaient penser à des résurgen­ces d'Evangile, comme si des nappes phréati­ques d'Evangile, longtemps enfouies sous la terre, brisaient tout à coup les forces qui les tenaient captives pour jaillir en sources d'eau vive.

 

... Quand Dieu cesse d'être un concept pour devenir une Présence...

Et par dessus tout, peut-être, Beauté de « la Présence ». Dieu cessait d'être un concept pour devenir une Présence, quasi palpable. On a dit du Renouveau qu'il était une expérience communautaire de Dieu. C'est bien ça que j'ai vécu. Je n'ai pas eu de vision. Mais j'ai vu la présence de Dieu, sa présence agissante, un peu comme on « sent » la présence d'un artiste quand on voit se former sur un écran un dessin tracé comme par une main invisible. Celui qui se donnait un peuple de louange, le meneur de jeu, le chef d'orchestre qui pré­sidait les assemblées, qui jouait la symphonie de cette prière, Celui qui touchait et retour­nait les coeurs, Celui qui, par dessous les cel­lules malades et blessées, reconstituait le tissu de son Eglise, comme une âme qui refait son corps, c'était Dieu, c'était le Saint-Esprit de Dieu. Je L'ai reconnu tout de suite et n'en ai plus douté : « Hic digitus Dei est ». Le doigt de Dieu, c'est l'Esprit, comme le dit la liturgie : « Digitus paternae dexterae ».

 

Une grâce de Pentecôte...

D'une certaine manière, j'ai vécu les Actes des Apôtres, j'ai vu la Pentecôte. J'ai vu, exau­cée, la prière du Pape Jean qui demandait que soient renouvelées les merveilles de la Pentecôte, par une nouvelle effusion de l'Es­prit. J'ai vu l'Esprit se rendre manifeste à tra­vers ses prodiges, ses charismes, ses dons et ses fruits. J'ai vu des jeunes arriver à l'assem­blée ; ils ne tombaient pas en prière: c'était un esprit de prière qui tombait sur eux et qui ne les quittait plus pendant deux heures. J'ai vu même des enfants (qu'il est si dif­ficile habituellement d'intéresser à une prière prolongée), comme saisis par la présence du Christ. J'ai vu des petits qui dormaient paisi­blement sur les genoux de leur mère. J'en ai vu d'autres, plus grands, qui participaient vrai­ment, battant des mains et chantant, parfois debout sur une chaise pour mieux suivre. J'en ai vu un, à la sortie, qui continuait à chanter encore des ‘Alleluia’ dans la rue, tout en tenant la main de sa mère. (J'en ai entendu un seul pleurer, quelques années plus tard, un soir que la prière paraissait d'ailleurs moins fer­vente). « Nous avons vu et entendu les mer­veilles de Dieu ». Que Tes oeuvres, Seigneur, sont grandes ! De ces pierres (de ces coeurs de pierre), Tu peux susciter des enfants à Abraham. Avec des pécheurs, Tu fais des saints.

 

... qui rend le coeur liquide

Pour moi, touché au plus profond, par ce que je voyais, je pleurais. J'en avais un peu honte et je me tenais à la périphérie, plutôt à l'écart (du reste, personne ne me disait rien, personne ne me regardait: il y avait une dis­crétion remarquable). Mais c'était plus fort que moi: je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer: pleurs de joie, à la vue des merveilles de Dieu. Ce n'était pas une émotion momen­tanée; je pleurais pratiquement pendant tou­te la réunion, et à toutes les réunions. Je ne disais rien, je ne chantais même pas. J'étais incapable d'ouvrir la bouche, étreint que j'étais par l'émotion. J'écoutais seulement, et dans mon coeur, je rendais grâces. Je me voyais comme la cananéenne de l'Evangile, celle qui demande seulement de pouvoir recueillir des miettes qui tombent de la table des maîtres (à la manière des petits chiens). Moi aussi, j'étais l'étranger qui se contente des miettes du festin et qui en est rassasié. « Dans ta bonté, Seigneur, Tu m'as comblé ».

Je crois que beaucoup ont pleuré, au Re­nouveau, pendant un temps, au temps de leur conversion, lorsque le Seigneur rend le coeur liquide; mais peu sans doute ont pleuré aussi longtemps que moi. Ces grâces sensibles (grâ­ces de pauvre, grâces de débutant) ont duré au moins 5, 6 ou 7 ans. Ensuite elles sont de­venues plus rares (sans cesser tout à fait) ­à cause de l'habitude peut-être, peut-être aussi parce que l'intensité de la ferveur a pu dimi­nuer en certains groupes, ou encore parce que le Seigneur, après avoir gâté ses enfants en­tend les conduire à une seconde conversion, et leur donner des nourritures plus fortes.

 

Une prière qui ne peut s'arrêter

La réunion du soir se terminait par un Notre Père, que tous chantaient debout en se donnant la main. Il y avait quelques avis don­nés par un responsable. Et puis souvent, en­core un dernier chant (on avait l'impression que les gens ne pouvaient pas s'arrêter de prier). Puis les assistants se retrouvaient en grou­pes de partage, d'une dizaine de personnes cha­cun. Pour moi, le marginal, je n'avais pas de groupe de partage, et je m'en allais, un peu à regret. Si je m'attardais quelques instants, j'entendais à nouveau, monter de ces groupes, des chants de louange, des appels à l'Esprit Saint ou d'autres prières.

 

Me yeux ont vu ton salut

Quand je rentrais, dans le métro, bien des fois j'ai senti monter en moi les mots du Cantique de Siméon: « Nunc dimittis servum tuum, Domine, quia viderunt oculi, mei salu­tare tuum ». Et tard dans la soirée, je restais encore en état de prière. A vrai dire, j'y res­tais toute la semaine et même plusieurs se­maines de suite; en allant et venant, dans la rue, dans les magasins, où j'allais faire des courses, à la campagne, en ville, je fredon­nais ou même je chantais à pleine voix les chants du Renouveau.
 

... Voir Dieu dans ses oeuvres

Il s'opérait en moi une sorte de transmuta­tion des valeurs et des goûts. Les plaisirs et les joies de l'existence devenaient ternes, voi­re dérisoires, par rapport à la joie de Dieu. L'assemblée de prière m'offrait un « specta­cle » (le mot sans doute n'est pas très propre) qui me procurait une émotion plus forte que tous les spectacles que j'avais pu voir (théâ­tre, cinéma Ou autre) (quel spectacle répété aurait pu m'émouvoir aux larmes, des années durant ?). Avant, j'étais plutôt un « intellectuel » : je me complaisais dans les idées. Aux assises de la Paroisse Universitaire qui nous rassemblaient du­rant la Semaine Sainte, ce qui m'enchantait le plus, ce n'était pas la liturgie (belle et noble pourtant) mais les ensei­gnements. Au Renouveau, tout s'inversait: les enseignements (j'en ai cependant entendu de beaux) ne me passionnaient guère. J'aimais mieux voir Dieu que d'écouter un discours sur Dieu; voir Dieu non en Lui-même certes, mais dans ses oeuvres (qui sont encore Lui-même). Au renouveau, j'ai découvert le Dieu sensible au coeur, le Dieu qui blesse le coeur d'une bles­sure d'amour.

 

Des ceurs blessés d'amour

Et c'était bien une multitude de coeurs bles­sés d'amour que je voyais autour de moi. Je me souviens par exemple d'un week-end à Saint-Germain. Il était environ 13h30. Nous faisions la queue devant le self-service où nous devions recevoir un repas. Après une matinée remplie par une longue louange, un enseigne­ment, une messe qui avait duré 2 heures, ou presque, nous avions tous l'estomac dans les talons. Or dès que la file d'attente fut un peu formée, aussitôt des cantiques de louange montèrent de ses rangs. Personne ne Se plai­gnait, personne ne bavardait. Les cœurs étaient si remplis de Dieu que partout et à tout moment, ils chantaient des chants d'amour et de gloire à leur Bien-Aimé. A table, les conver­sations tournaient autour de l'évangélisation, de la vie spirituelle, des merveilles de Dieu.

 

L'intercession pour les frères

Au Cours de ces week-ends, après le repas, je faisais quelques tours de jardin pour m'aérer un peu. Je croisais des petits groupes de 2 ou 3 personnes. J'entendais au passage des bribes de conversation: c'était encore de Dieu qu'on parlait partout. Comme S. Domi­nique, ces hommes et ces femmes ne parlaient que de Dieu ou avec Dieu. Parfois, un peu à l'écart, on en voyait quelques-uns à genoux qui priaient pour un frère, placé au milieu d'eux, en lui posant les mains sur les épaules. Au Renouveau, quand un frère sollicite la prière de ses frères, parce qu'il est en diffi­culté, on ne se contente pas de lui dire : « D'accord, on priera pour toi », mais tout de suite on passe à l'acte. Pendant 10 minutes ou un quart d'heure, on prie pour lui, sur lui, en lui imposant les mains; ces intercessions fraternelles, mêlées de louange et d'action de grâces (pour ce que le Seigneur va faire et fait déjà pour le frère), dans un esprit de compassion, sont aussi quelque chose de beau et d'émouvant. Et très souvent le frère éprou­vé y trouve un mieux-être d'une manière ou d'une autre.

 

L’adoration silencieuse

Durant les week-ends et sessions, le Saint Sacrement était exposé et il y avait adoration per­pétuelle pendant le temps du repas de midi et de la « récréation », jusqu'à la reprise de l'après-­midi. Quand je voulais, moi aussi, me rendre à la chapelle pour un temps d'adoration, je la trouvais, en général, pleine à craquer, de gens à genoux, assis (par terre) ou prosternés. Il était difficile d'y trouver une petite place. Il fallait parfois rester à l'extérieur, et adorer du dehors. Ce qui me frappait alors, c'est le silence. Un silence si dense, si rempli de prière muette, que la présence de Dieu là encore, était quasi palpable. Là encore, la prière était facile : parce qu'elle était « portée » par la prière des autres, et parce qu'on avait le sentiment intense de la présence de Dieu. Là aussi, chez moi, les larmes se mettaient à couler.

 

La vie intérieure

En vivant les moments d'adoration silencieu­se, d'une telle plénitude que c'était de l'inédit pour moi, je comprenais que la prière des assemblées s'enracinait dans de longs tête-à-­tête (ou mieux coeur à Coeur) avec le Seigneur présent dans l'Eucharistie. Je comprenais aus­si que le Renouveau, par-delà la floraison des charismes « extérieurs » était, avant tout le lieu d'une vie théologale profonde, d'une vie spirituelle authentique, un lieu de conversion permanente.

Je savais déjà à l'époque que certains allaient faire une nuit d'adoration chaque premier vendredi du mois. Plus tard, j'ai appris que beaucoup, tout en gardant une activité professionnelle, s'imposaient outre la messe quotidienne, une heure d'adoration par jour (sans parler d'autres temps de prière et du chapelet, par exem­ple ). « Soyez toujours joyeux et priez sans cesse », comme dit S. Paul.

 

« Dieu lui-même les instruira »

Plusieurs autres choses me jetaient encore dans l'émerveillement. Et d'abord ce fait que j'étais souvent instruit par de moins instruits que moi. - Voici quelques exemples, entre d'autres, dont je me souviens présentement :

  • Un jeune ouvrier, mécanicien dans un garage, vient apporter son témoignage en faveur de l'ado­ration. Il dit cette parole (que j'entends encore sept ans après) : « Adorer, c'est se laisser aimer par le Seigneur… » Ce n'est certes pas une définition formelle de l'adoration. Mais quelle révélation sur la vie intérieure de ce jeune frère, et quelle lumière, pour moi, sur l'attitude à prendre, quand on va s'exposer au Saint Sacrement « O Père, sois b6ni d'avoir révélé ces choses aux petits.. ». Je voyais se réaliser le mot de l'Ecriture: « Dieu Lui-même les instruira. » ­

  • ­Au cours d'une évangélisation (la première à laquelle j'ai participé) alors que, peut-être mal placés, nous semblions chanter en vain, sans attirer personne, une jeune fille, entre deux chants: lança cette prière vers Dieu: « Merci, Seigneur, pour no­tre pauvreté! » Des mots comme ça me semblent le signe d'une grande authenticité spirituelle.

  • Une autre jeune fille, dans une assemblée, raconte comment a son retour de vacances elle a trouvé son appartement cambriolé et saccagé. Ce qui l'affecte le plus, c'est la disparition de sa chaîne Hi-Fi (car la musique est sa grande passion). Elle ajoute que, le premier moment d'indignation pas­sé, elle a pu, le jour même, se remettre à louer le Seigneur, et elle Le remercie de lui avoir donné, à  cette occasIon, des grâces de détachement.

  • Un soir, dans une assemblée, la prière « se traînait ». Quand elle essayait de partir, elle s'arrê­tait presqu’aussitôt. Il y avait des moments de silen­ce un peu lourd. On aurait dit que le Saint-Esprit était « en panne ». Alors un homme jeune, un responsable il est vrai, se leva simplement pour dire (en développant quelques instants cette pensée) : « N'ayons pas peur, frères et sœurs » de nous laisser conduire au désert ! » Je ne me souviens pas de la manière dont la prière se poursuivit (je crois qu'elle retrouva peu après son élan). Ce qui m'avait frappé, c'était la connaissance qu'il y avait dans le Renouveau, des « voies spirituelles ».

 

La spiritualité de l'Eglise

Cela était confirmé pour moi quand je voyais les livres que ces hommes et ces femmes em­portaient avec eux : outre la Bible il y avait les grands classiques de la vie spirituelle : Sainte Thérèse d'Avila, Sainte Thérèse de Li­sieux, les Pères du désert, etc. Au fur et à mesure que je participais au Renouveau, je reconnaissais que ce qui était vécu là, c'était la grande spiritualité tradition­nelle de l'Eglise: ouvrir son coeur à la grâce, laisser l'Esprit former le Christ en nous, de­venir des fils (adoptifs) dans le Fils unique. Et je découvrais chaque fois davantage qu'une belle place était donnée aussi, dans la prière, à la Vierge Marie.

 

Une foi, reçue de l'Eglise

Je me réjouissais aussi, au fil des semaines ou des mois, de reconnaître, dans le vécu du Renouveau, la foi intégrale de l'Eglise, et un grand souci d'obéissance à l'Eglise. Alors que l'Eglise ailleurs était si vivement critiquée, et son autorité contestée, là elle était respectée et aimée, comme le prolongement du Christ, comme son Corps, comme son Epouse. Alors que dans les milieux où je vivais, chacun vou­lait s'inventer sa foi, ou du moins refaire et refondre le Credo traditionnel, devenu, selon eux, non crédible pour le monde moderne, j'en­tendais les charismatiques chanter joyeusement et sans problème, à l'intérieur (des églises) comme à l'extérieur, des chants conformes à ce Credo. Eux, ils recevaient la foi de l'Eglise. Ils ne contestaient pas. Ils ne polémiquaient pas (con­tre personne). Ils se contentaient d'exister. Et leur existence était un appel. Elle attirait, elle provoquait des conversions nombreuses.

 

Des miracles...

Dans le Renouveau, on pouvait voir des « mira­cles », des miracles d'âmes (guérisons intérieu­res, conversions, délivrances diverses), des mi­racles extérieurs aussi, des miracles du corps (beaucoup de guérisons corporelles) ; ce qui me paraissait plus merveilleux encore, c'était le « miracle » hebdomadaire de cette assem­blée de prière, toujours la même et toujours nouvelle, de la nouveauté de l'Esprit; et le miracle des miracles, c'était le Renouveau lui­-même, qui semblait avoir surgi un peu par­tout dans le monde et en même temps, et qui se propageait comme un feu de brousse. Tous les autres mouvements qui sont nés dans l'Eglise ont eu des fondateurs. Ils sont nés d'un projet. mûri lentement, par une ou quelques personnes. C'est le cas de la J.O.C. et de l'Action Catholique; c'est le cas de tous les Ordres religieux, du monachisme, des mou­vements caritatifs, des mouvements spirituels, etc.

 

... et le miracle d'une génération spontanée

Or le Renouveau n'a pas de fondateur humain: il n'a pas été programmé. Il a existé avant d'être un projet. Ceux mêmes qui ont bénéficié des premières grâces du Renouveau en ont été sur­pris. S'ils attendaient quelque chose de Dieu, ce n'est pas ça, précisément, qu'ils attendaient. Le Renouveau est apparu par une sorte de génération spontanée. Il est même apparu à contre-courant ; il a pris tout le monde à contre-pied, même les évêques, un moment (pas très longtemps) dé­concertés. Aussi il a été boudé, largement, par le clergé, parce qu'il ne correspondait pas à l' « idéologie » dominante dans les milieux clé­ricaux, allergiques au « merveilleux », par les spécialistes de la pastorale (cette irruption de l'Esprit cadrait mal avec leurs projets, leurs méthodes, leur stratégie), par beaucoup d'in­tellectuels et de théologiens (pour qui l'inter­ventionnisme divin paraissait incompatible avec la liberté et la dignité d'un homme devenu adulte, et capable de prendre en mains son histoire, et de construire le monde) ; par des militants « activistes » et peu portés sur la contemplation ou la prière; par les partisans d'un christianisme socio-politique ; par ceux qui voulaient purifier la foi de toute trace de religion; par les progressistes cherchant à in­venter un christianisme qui, revu et corrigé, pourrait s'inculturer dans la modernité ; par les intégristes qui dénonçaient les origi­nes « protestantes » du Renouveau, son oecu­ménisme, et voyaient même en lui l'oeuvre du diable; par beaucoup de traditionalistes, assez friands de surnaturel et d'apparitions, mais méfiants vis-à-vis de groupes, qui se croient, selon eux, branchés en direct avec le Saint-Esprit.

 

L'accueil de l'Eglise

Finalement, avec plusieurs monastères (béné­dictins et cisterciens), une poignée de prêtres et de religieux, c'est la papauté qui s'est mon­trée la plus accueillante (et le plus vite) au Renouveau. Et je vois là d'ailleurs une confirmation de l'Evangile: le Pape, successeur de Pierre, a réellement reçu le charisme de la foi: discer­nement de la foi, confirmation de la foi. Il est assez remarquable aussi que le Re­nouveau soit né peu après un Concile qui, contre l'avis de certains, avait noté le carac­tère charismatique de l'Eglise et affirmé la réalité des charismes, alors que ce point était largement tombé dans l'oubli. Dès le début, avec l'instinct de ma foi, j'avais perçu en même temps l'authenticité chrétien­ne du Renouveau, et son origine surnaturelle ; une réflexion sur la manière dont il est né his­toriquement confirmait ce que j'avais senti d'instinct. Les explications, sociologiques ou psycholo­giques (récession économique et sociale, inquié­tude latente, besoin de sécurité, besoin fusion­nel, recherche frileuse de chaleur humaine, satisfaction de « l'oralité », problème de com­munication, ou communication réduite à des balbutiements infantiles, comme la glossolalie, la seule chose qu'on retenait... que sais-je ?) toutes ces explications me semblaient dérisoires : explications « idéologiques », explication a priori fournies par des hommes dérangé dans leurs théories, qui n'avaient jamais été y voir, et qui ne savaient pas ce dont il parlaient.

 

L'humour de Dieu

Dans le Renouveau, je voyais le « surnaturel » je le voyais dans l'existence même du Renouveau. Et j'admirais même l'humour de Dieu. Au moment même où le miracle était frappé d'interdit (jusque dans l'Eglise: « de par la science, défense à Dieu de faire miracle en ce lieu »), à ce moment précis, le Seigneur se mettait à multiplier les miracles, à la barbe des intellectuels, et sans même leur demander la permission.

 

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire »

Je comprenais aussi que c'est Lui, en définitive, qui évangélise, Lui qui convertit, que tous les moyens humains, les méthodes humaines, sont vains ou de peu, que Dieu n'a pas besoin des hommes, qu'Il n'en a besoin que parce qu'Il le veut et quand Il le veut (nous sommes des serviteurs inutiles) ; qu'il nous faut renoncer à nos oeuvres (même si ce sont des oeuvres pour Dieu) pour faire Son oeuvre à Lui. Et pour cela, l'essentiel, c'est la docilité à l'Esprit, c'est la conversion, c'est la sainteté, c'est la prière, c'est la vie intérieure. Avec une poignée d'apôtres (témoins et saints), le Sei­gneur peut, s'Il le veut, évangéliser et évangéliser à  nouveau le monde.

 

Vérification expérimentale de l'Evangile

L'expérience du Renouveau a renouvelé mon amour de l'Eglise et ma confiance en elle ; mon amour aussi de l'Ecriture. A travers ce que je constatais de mes yeux, je voyais com­me une vérification expérimentale de l'Evangile. « Quand les montagnes s'éloigneraient, quand les collines chancelleraient, Dieu fera tout comme Il promet ». Car notre Dieu n'est pas un Dieu fatigué, et la source d'amour qui coule du Coeur transpercé n'est pas tarie.

 

Une liturgie renouvelée du dedans

La liturgie, elle aussi, était comme renouvelée du dedans, et cela donnait aux offices (Laudes, Vêpres) ou à la Messe un « coefficient de réalité », un attrait et une force de conversion que je n'avais jamais soupçonnés. Certes, c'était la même messe. Les prescriptions de l'Eglise y étaient scrupuleusement respectées. (Renouveau ne veut pas di­re « nouveauté » mais renouvellement de l'intérieur). Et pourtant là aussi on éprouvait intensément le sentiment de la présence de Dieu et le coeur était touché en profondeur. Pour moi, ces célébrations, par ce qu'elles donnaient à voir du mystère chrétien, m'évan­gélisaient plus que n'importe quel discours. Ne vous étonnez pas si la description que j'ai faite du Renouveau est à l'imparfait. C'est surtout parce que j'ai voulu dire mon expé­rience des premières années. Et aussi parce que ce qui y est vécu me semble parfois moins tort aujourd'hui que dans les débuts. Ce n'est peut-être là qu'une impression subjective qui ne serait pas vraie pour un néophyte. L'habi­tude banalise toutes choses, même les plus grandes, et finit par tuer l'émerveillement.

 

Une prière différente...

La prière du Renouveau était tout à fait conforme à la foi et à la Tradition de l'Eglise. Et pourtant elle différait des manières de prier auxquelles nous sommes habitués, au point que certains ont pu en être choqués. Je voudrais, en terminant, souligner ces dif­férences en comparant la prière des groupes du Renouveauavec d'autres prières analogues et plus « classiques » pour nous comme l'heure sainte (partage d ‘Evangile) ou une veillée de prière. (Je ne parle pas de la prière personnelle, silencieuse, ni de la liturgie).

Dans une veillée de prière, tout est programmé à l'avan­ce : les considérations ou exhortations de l'animateur, les temps de silence, les invocations, les chants. Il n'y a pas de surpriseni même de place, si je puis dire, pour les interven­tions de l'Esprit.

 

... non préparée mais reçue

Dans le Renouveau, rien n'est programmé à l'avance. La prière est une prière de pauvre, reçue à chaque instant; on ne sait pas du tout à l'avance comment elle va se dérouler. On y vit constamment une « imprévisible nou­veauté ».

Dans une veillée de prière, il y a un animateur. Il y a aussi un petit groupe de chanteurs; chacun a un rôle précis et intervient au moment pré­vu. La foule des fidèles reste passive, elle se contente de suivre, de répondre aux invoca­tions (selon des formules connues) et de re­prendre les chants.

 

Sans animateur mais avec un « noyau » de discernement

Dans le Renouveau, il n'y a pas d'animateur. Il y a bien au centre une équipe dite d'animation, mais appelée aussi plus justement « Noyau de discernement » ou noyau tout court. Cette équi­pe était si discrète qu'il a fallu qu'on me signale sa présence pour que je la remarque, après plusieurs années. Le Noyau peut remet­tre la prière sur ses rails, dans le cas, assez rare, d'une intervention malencontreuse. Sur­tout, il s'efforce de discerner les appels de l'Esprit, en fonction des textes reçus, des pro­phéties... Ceci dit, l'animation vient de partout. L'assistance n'est pas passive. Tous peuvent intervenir, selon qu'ils s'y sentent poussés. Personne n'a un rôle précis assigné à l'avance.

 

Une prière qui a du souffle

Dans le Renouveau, le vécu est très fort. La louange éclate comme un rire joyeux et en­thousiaste. La prière a du souffle. Elle n'est pas volontariste, mais comme spontanée (ce n'est pourtant pas de la prière spontanée, car chacun est à l'écoute de ce que « dit » l'Esprit à travers le frère ou la soeur. Les coeurs sont saisis par l'enthousiasme. C'est la prière d'un peuple en fête. Pas de place pour l'ennui ou la distraction (dans le Renouveau, je ne crois pas avoir surpris mon imagination en train de vagabonder !). Le temps passe sans qu'on s'en aperçoive. Au bout de deux heures, on a le sentiment qu'on vient d'arriver. On est si bien (on est comme dans l'antichambre du para­dis) qu'on voudrait que ça continue encore. Peut-on se lasser de voir Dieu, présent dans la foi de ses frères et agissant dans leur coeur?

Dans une veillée de prière, on ne s'attend guère à ce qu'il se passe quelque chose. De fait, en géné­ral, c'est assez anodin. La prière glisse sur nous sans pénétrer en profondeur. On n'en ressort pas transformé, sinon de façon infini­tésimale et non perceptible. A la fin, les visa­ges ont le même masque qu'au début. La prière n'a guère été qu'une parenthèse, une sorte de devoir ou de BA, dont on s'est acquitté tant bien que mal.

 

... d'où l'on sort renouvelé

Dans le Renouveau, il se passe toujours quelque chose (d'imprévisible). On s'y attend et c'est pourquoi on y va avec plaisir. Outre la mani­festation multiforme des charismes, on voit des visages s'illuminer, on sent des coeurs bou­leversés. Il m'est arrivé souvent de commen­cer la prière, fatigué et même harassé (après une journée de cours) et de la terminer reposé et renouvelé dans tout mon être (et ceci en dépit de longues stations debout). D'une telle prière, on ne sort pas « indemne ». On en sort le coeur brûlant, comme les disciples d'Em­maüs, et le plus souvent déchargé de ses fardeaux. Quand on a réellement rencontré le Sei­gneur, on n'est plus comme avant.

 

Une prière efficace

Dans une veillée de prière classique, on ne s'attend guère au fond à voir la prière exaucée. On ne prie pas avec la certitude intérieure d'avoir déjà obte­nu ce qu'on demande, selon la recommanda­tion de l'Ecriture. Notre foi reste trop tiède. Au Renouveau, j'ai souvent vu la prière exau­cée et parfois de façon quasi immédiate: les témoignages le montrèrent. C'est pourquoi tout paraissait possible à la prière; et on priait avec audace, en remerciant Dieu à l'avance, dans une totale confiance.

La plus grande différence, à mon avis, entre ces deux « formes » de prière c'est que dans un cas on croit bien (un peu au moins) à la présence de Dieu, mais dans la nuit de la foi, tandis que dans l'autre cas, on sent, on éprouve cette présence. Et ça change tout.

J'ai fait cette comparaison, non pas pour dévaluer la prière « classique » mais pour essayer de montrer la « nouveauté » de la prière charismatique, prière renouvelée du dedans par une grâce spéciale du Saint Esprit.

 

Des écueils possibles

Il se peut aussi qu'en certains groupes l'en­thousiasme ait diminué, en raison des multi­ples pesanteurs humaines. Le Renouveau peut être jusqu'à un certain point victime de son succès même: un courant spirituel peut per­dre en intensité ce qu'il gagne en extension. Comme un torrent de montagne perd de sa force quand il s'étale dans la plaine.

Le succès aussi peut monter à la tête de certains, les griser: l'orgueil spirituel est un danger permanent et alors les grâces se font moins abondantes. Beaucoup de chrétiens « classiques » ont pu venir grossir les assem­blées qui n'osant (ou ne pouvant) faire cer­tains pas, sont restés passifs et se comportent comme des consommateurs. Et cela peut « alourdir » certaines assemblées. Le diable de son côté, avec la ruse dont il est capable, s'emploie aussi, sûrement, à faire échouer le Renouveau. Et puis les grâces de fondation ne durent pas tout le temps.

 

Prier pour le Renouveau

Cela ne veut pas dire que le Renouveau soit fini, loin de là. Il est en pleine expansion. Les communautés issues du Renouveau, les sessions et beaucoup de groupes de prière font des choses merveilleu­ses. Il y a simplement certains groupes qui paraissent s'essouffler, parfois momentanément.

Le Renouveau a besoin d'être constamment renouvelé (et parfois émondé). Il faut prier pour le Renouveau, afin qu'il évite les écueils possibles (et ils sont multiples), afin qu'il sa­che franchir les seuils nécessaires à sa crois­sance, selon le désir de l'Esprit, et qu'il opère éventuellement les mutations indispensables, si Dieu le veut.

 

« Je suis avec vous... »

Quoi qu'il en soit du Renouveau, quoi qu'il lui arrive (il peut dépérir, s'enliser ou dévier), ce que je sais maintenant après l'expérience de ces dix années, c'est que le Christ est fidèle, qu'Il n'abandonne pas son Eglise, qu'Il lui est présent, qu'Il l'aime d'amour comme une fiancée, qu'à tout moment Il peut la res­taurer, la renouveler, la rendre sainte, imma­culée et sans tache pour le jour des épou­sailles.

 

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