Victimisme

Combien peu prennent conscience qu’ils ont adoptés une posture de victime ! 

"Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi ? Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu !"   Ps 41

 

Nous avons tous à faire face à des adversités, elles font partie de la vie. Comment réagissons-nous lorsqu’une adversité (obstacle, offense, échec, épreuve) se présente à nous ? Savons-nous assez que nous pouvons toujours choisir de changer la manière dont nous y faisons face ?

 

 

Frustration et colère

Toute frustration remet en question : nous prenons subitement conscience de nos limites. Cela heurte notre petit moi (blessure narcissique). Nous ressentons une injustice à laquelle nous réagissons par un sentiment de tristesse, d’impuissance, de colère.

Il y a deux colères :

  • La colère positive : elle donne la motivation pour dépasser l’obstacle, rétablir la vérité et proclamer notre innocence. Elle donne le courage d’exister jusqu’au bout et la force de faire face à l'adversité. Elle rejette le malheur et l'offense, pas l’offenseur.

  • Une colère négative. Lorsqu’une personne a une pauvre estime d'elle-même, elle dépense beaucoup d’énergie à entretenir une image idéalisée d'elle-même. La moindre critique suscite la colère car elle manque de confiance en elle. A cause du manque d’affirmation d'elle-même et de l’insécurité, le moindre faux-pas est ressenti comme une faute impardonnable. Toute erreur est une catastrophe car elle écorne un besoin d’impeccabilité et révèle la fragilité et l'imperfection. C’est un terrain propice au développement du victimisme.

 

 

La victimisation

La victimisation est au fond une solution manichéenne qui consiste à accuser l’autre et à se disculper. Lui est tout noir, et moi, tout blanc !

 

Se disculper, s’auto-justifier

Il en découle :

Déresponsabilisation : un refus d’assumer le réel, de voir ses propres carences, limites, faiblesses, échecs et manquements, même involontaires : « Ce n’est en rien ma faute, c’est l’autre ! »

Apitoiement sur soi : la douleur ressentie confirme la victime qu’elle est dans son bon droit : « Je souffre, je suis une pure victime ! » Cette frustration est la mère de trois filles : la rancœur, la méfiance et la tristesse.

 

Accuser les autres ou la fatalité    

« C’est la faute de……, c’est la faute au système, à mes parents, etc. ! Le monde entier est contre moi. » Rendre les autres responsables ne répond pas à la question et enracine dans le rôle de victime sans ressource.

 

Vouloir faire reconnaître combien grande est sa souffrance.

Si on encourage à poser un regard plus objectif sur sa situation, la victime s’offusque que personne ne soit capable de se mettre à sa place et s’indigne qu’on ne la comprenne pas. Elle n’attend pas tellement d'être aidée que confortée dans son statut : “Oh ! comme la vie est dure pour toi !”, “Tu n’as vraiment pas de chance !”, « Les autres ne te respectent vraiment pas ! ».

 

Quand le piège se referme   

Cette attitude provoque au mieux de l’indifférence, au pire le rejet de la part de l’entourage. L’échec alimente la frustration. La culpabilité est racine et fruit du comportement victimaire. La victime reproduit le même schéma réactionnel sans se corriger, elle s’enfonce sans prendre conscience qu’elle suscite elle-même son malheur.

 

 

Bénéfices secondaires

 

L’immobilisme     

La victime démissionne de son existence : défaitisme, blocage, pessimisme, annihilation de la volonté de rebondir par refus du risque, de faire face, de s’opposer. Replis sur soi.

L’empathie   ​  

Le statut de victime attire dans un premier temps l’attention et la bienveillance. La victime apprend vite, fût-ce inconsciemment, à manipuler les autres émotionnellement. Pour cela, deux procédés sont observés  : 

  • La victime soumise : elle exagère sa faiblesse, son malheur pour que soit comblée sa peur de manquer ; elle se fait dépendante pour imposer ses désirs à son entourage.

  • La victime rebelle : elle culpabilise et attriste autrui, elle revendique, réclame et devient tyrannique vis-à-vis de son entourage attendant d’être sans cesse prise en charge. Elle craint de perdre quelque chose ou d’être abandonnée. Il convient dans cette situation de ne pas rentrer dans son jeu et de refuser les formes dissimulées de chantage à la compassion.

C’est sur la base de son identité faussée de victime qu'elle cherche à établir ses relations. Son identité faussée la conduit à susciter des événements qui renforcent sa croyance.

 

 

Retournement : de victime à bourreau, de sauveur à victime, de soumission à emprise

 

Le statut de victime attire des sauveteurs (sauveurs), à savoir des personnes qui désirent aider à tout prix et sans même qu’on leur demande. A la limite, contre le gré de la victime parce que, pour eux, être sauveteur est devenu la seule manière de se valoriser, de trouver de la reconnaissance. La vérité est qu’ils ont une faible estime d'eux, leur démarche n’est en rien désintéressée. La preuve est qu’ils rendent la victime dépendante et passive.

La relation victime – sauveur est constituée par une attente illégitime de part et d’autre : chacun attend que l’autre réponde à son besoin de reconnaissance. Tous deux sont dans une dépendance affective vis-à-vis de l’autre.

La victime devient agresseur. Parce qu’elle est entrée dans le statut de victime, elle a choisi d’être dépendante d’autrui dont elle attend désormais qu’il comble ses besoins affectifs. Comme ses efforts ne lui donnent pas ce qu’elle attend : valorisation, estime de soi, reconnaissance, elle finit par culpabiliser autrui et l’accabler de ses exigences. Elle est devenue accusatrice et tyrannique.

Le sauveteur devient victime et agresseur. Le retournement s’établit lorsque ses attentes inconscientes ne sont pas rencontrées : il fait alors comprendre à la victime qu’elle est ingrate et ne sait pas reconnaître son dévouement en « renvoyant l’ascenseur ». Il se sent agressé, méconnu et rend la victime responsable de ses propres difficultés. Il devient amer, agressif, colérique et devient agressant pour la personne qui jusque-là était objet de son ‘dévouement’. Il se considère victime. Au fond de lui, il a toujours peur de perdre l’autre et de se retrouve seul.

Le triangle dramatique de Karpman analyse ces transactions sauveteur-victime-agresseur.

 

 

Comment sortir de la victimisation et devenir libre ?

 

Mie en routes

- Prendre conscience du rôle victimaire dans lequel on est entré et de ce qui étouffe ce sont avant tout la colère, les frustrations, ma culpabilité, le manque de confiance en soi et non les autres ou les blessures.

- Accepter de se voir en vérité et de perdre les illusions sur soi, de ne plus tout expliquer par la fatalité.

- Relativiser son cas et sa douleur : "Non je ne suis pas la personne la plus malheureuse au monde". Il existe beaucoup d’autres personnes dont la situation est pire et qui pourtant y ont fait face avec bonheur.

 

En parler honnêtement

- Renoncer à entretenir une image idéale de soi.

- Reconnaître avoir été blessé.

- S’en ouvrir sans honte et sans crainte à une personne fiable qui ne juge pas. Sortir ainsi d’un isolement délétère.

- Ne plus laisser les émotions prendre le pas sur l'objectivité : telle la peur du regard d’autrui, celle de n’être pas à la hauteur, etc. 

Devenir acteur de sa vie, décider de tourner la page

- Choisir la vie, traverser la souffrance, refuser le faux-confort du statut de victime.

- Comprendre que faire face et gérer sa vie est possible.

- Vouloir devenir quelqu'un de bien, la personne que je suis vraiment.

- Sur ce chemin de guérison, s’accepter est la clé. Il faut du temps pour arriver à se réconcilier pleinement avec son histoire.

- Interdire de se laisser reprendre par les vieux démons de colère et de frustration.