Expérience de mort imminente (EMI)

Near death experience (NDE)

 

  • L'expression de « mort imminente » a été proposée à la fin du XIXe siècle à propos du récit d’alpinistes ayant fait une chute et qui décrivaient y avoir eu la vision complète de leur existence entière et avoir ressenti une sensation agréable de flottement et de calme infini.

  • De nos jours, la description est essentiellement recueillie auprès de personnes ayant subi un arrêt cardio-respiratoire avant d’être réanimées avec succès. On estime que 5 à 10% des personnes réanimées lors d’un tel arrêt cardio-respiratoire décrivent un ou plusieurs signes évocateurs d’une expérience de mort imminente (EMI).

  • Ce sujet attire beaucoup de curiosité et suscite des opinions tranchées qui vont du déni à l’affirmation péremptoire d’une forme supérieure de vi après la vie, voire d’une preuve de la non-existence de Dieu.

 

Plan

1.

2. Signes habituels dans l'EMI

3. Points de vue des sciences

4. Un epreuv de la vie après la mort ? 

5. Un argument pour le dualsisme corps / âme ? 

6. Apports de la tradition chrétienne

 

 

 

 

 

 
 

 

 

 

(2) Signes habituels

 

Vision d’un tunnel obscur débouchant sur une lumière douce et bienveillante.

Décorporation : impression de sortie du corps.

  • Sensation de flotter en dehors du corps, conviction d'être mort et cependant conscient mais dans un corps immatériel, parfois capable de déplacement instantané ;
  • Autoscopie : et, dans certains cas, de l’apercevoir depuis un autre endroit.
  • Faculté de voir à travers la matière.
  • Le spiritisme y voit un « voyage astral ».

Défilé complet de sa propre existence en une relecture rapide et panoramique.

Rencontre de personnes décédées ou de créatures de lumière, qui donne l’impression d’être accueilli. « Je me suis aperçu de la présence de personnes que j'avais connues dans l’ici-bas. »

Sentiment d'amour infini, de paix et de tranquillité pouvant faire hésiter à ‘revenir’ en ce monde. Beaucoup en ressortent transformés, jetant un regard apaisé sur la vie et serein sur la mort. Plus rarement, l‘expérience est décrite comme désagréable.

Il est difficile habituellement d’évoquer cet indicible, les mots manquent, à moins que ce soit la crainte de ne pas être cru.

 

 

Modélisation

 

Quoi qu’il en soit, dans la description que chacun peut en faire, il convient de distinguer la description plutôt factuelle de ce qui a été vécu (« J’ai vu une lumière éblouissante … »), des éléments inévitablement interprétatifs qui s’y ajoutent (« … c’était les premières lueurs du ciel »). L’expérience n’est pas transmissible sans interprétation, elle est influencée par le milieu culturel tant il est impossible de s’exprimer sans les symboles et représentations de son milieu.

Les récits d’EMI évoquent des éléments relativement constants d’où la possibilité de brosser un portrait-type de l’expérience de mort imminente même si l’ensemble des éléments du portait ne sont pas toujours présents. C’est ce que fît Raymond Moody en 1975 :

« Voici donc un homme qui meurt, et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement, et dans le même temps il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Après quoi il se retrouve soudain hors de son corps physique, sans quitter toutefois son environnement immédiat ; il aperçoit son propre corps à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet (...) Bientôt, d’autres événements se produisent : d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide ; il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui (...) Mais il constate alors qu’il lui faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. À cet instant, il résiste, car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après vie et ne souhaite pas ce retour (...) Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre-temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre (...) Pourtant cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là à propos de la mort et de ses rapports avec la vie. »

Raymond Moody, La vie après la vie, 1977, trad., Editions Robert Laffont, pp. 35 à 37.

L’inconvénient de cette description est quelle forge un imaginaire commun qui a conditionné les témoignages ultérieurs.

Face à cette description-type, chacun est placé au carrefour des interprétations : certains y voient une réalité objective, extérieure à la personne dont l’âme quitterait réellement le corps ; d’autres l’interprètent comme un phénomène subjectif, intérieur à la personne, un ressenti ou une vision intérieure résultant d’un processus intra-cérébral. Il n’en reste pas moins qu’à ce stade non encore fondé en réflexion ces interprétations ne sont que de l’ordre de la croyance.

 

Questions que posent l’EMI

 

Les questions que posent l’EMI sont au croisement de la science et du religieux.

Les EMI existent et des personnes en ont vécues réellement. Beaucoup d’entre-elles, spontanément, interprètent spirituellement ou religieusement leur EMI.

  • Dès lors l’EMI apporte-t-elle la preuve d’une vie après la mort, de l’existence d’un Au-delà ?
  • La question pour le scientifique est celle de l’objectivité ou non de l’expérience.

Est-il possible d’y apporter quelque éclairage ?

 

 

 

 
 

 

 

 

(3) Point de vue des sciences

 

  • Il ne suffit pas d’une prétention à la rigueur pour qu’un ouvrage soit crédible, ni d’un vocabulaire technique pour qu’une recherche réponde aux critères de validité des sciences. Souvent prédominent la pseudoscience et l’ésotérisme. 

  • Sans chercher nécessairement à discréditer les interprétations surnaturelles des EMI, les scientifiques se sont prudemment bornés à essayer de comprendre les mécanismes naturels sous-jacents. Ils se sont demandé comment la science pouvait rendre compte de cette expérience si unanimement décrite.

Les neurosciences mettent à jour divers mécanismes neurophysiologiques du cerveau en situation de stress qui rappellent certains éléments du tableau de l’EMI. L’hypothèse neurologique fait de l’EMI un état de conscience modifié par les altérations induites dans le cerveau par l’anoxie (privation d’oxygène) et l’hypercapnie (excès de co2) qui accompagnent l’arrêt cardiocirculatoire. Il se produit notamment une décharge d’endorphines, de dopamine et de sérotonine qui induisent une activité anormale du lobe temporal ou du système limbique capables de produire des hallucinations, des rétrospectives de la mémoire, et un ressenti de décorporation. A titre illustratif, la sensation de sortie hors du corps peut être reproduite par effet médicamenteux (kétamine, etc.) ou stimulation électrique de certaines zones cérébrales. Il s’agit d’une perception sans réalité objective produite par un cerveau en souffrance.

Ce n’est pourtant pas parce que certains aspects de l’EMI s’expliquent neurologiquement que l’on est en droit d’affirmer que l’EMI est un mécanisme purement neurologique. Ce qui est la position scientiste.

 

 

 

 
 

 

 

 

(4) Une preuve de la vie après la mort ?

 

 

Certains avancent que l’EMI conforte l’hypothèse d’une vie après la mort, de l’existence de l’Au-delà. Pour répondre à cette interrogation, une réflexion préalable pourra aider : qu’est-ce que la mort ?

  • La mort est un processus physiologique : le passage progressif de la vie à la non-vie. La mort physiologique n’est plus l’arrêt ventilatoire (le dernier souffle), ni même l’arrêt cardiocirculatoire dont on peut être réanimé mais la mort cérébrale (coma dépassé) atteignant jusqu’au tronc cérébral qui contrôle les fonctions involontaires nécessaires à la vie : le rythme cardiaque, la respiration, etc. Cette mort cérébrale est constatée par :
  • L’absence totale et définitive d'activité électrique du cortex cérébral : EEG plat (électroencéphalogramme).
  • La perte d’intégrité du tronc cérébral constatée par les PEA (Potentiels évoqués auditifs). Cela permet de différentier la mort cérébrale d'un état végétatif permanent, où la personne conserve ses fonctions autonomes bien qu'incapable d'interagir avec son environnement. La mort légalement constatée permet au médecin d’autoriser l’inhumation ou le prélèvement d‘organes.

  • La mort est la séparation de l’âme et du corps.

 

En conclusion

L’EMI ne prouve en rien l’existence de la vie après la mort. Cette expérience concerne des personnes revenues à la vie après un arrêt cardio-respiratoire mais pas pour autant mortes cérébralement.

 

 

 

 
 

 

 

 

(5) Un argument pour le dualisme corps / âme ?

 

La conscience serait-elle totalement indépendante de l’activité cérébrale ?

L’âme serait-elle consciente sans participation du cerveau ?

L’esprit serait-il indépendant du corps, simplement prisonnier de la matière, comme le posent certaines religions orientales et le spiritisme ?

Certains avancent que l’EMI conforte l’hypothèse d’une existence d’une âme totalement indépendante du corps qui, après avoir quitté le corps, pourrait voyager et ensuite réintégrer le corps temporairement abandonné. L’argument principal tient dans le témoignage de personnes réanimées qui se souviennent des détails de leur état durant leur réanimation alors qu’elles étaient inconscientes, considérées cliniquement morte ?

Aucun modèle physiologique ou psychologique n'arrive à expliquer à lui seul toutes les caractéristiques des EMI. Le paradoxe d'une lucidité et d'une conscience accrues de l’environnement et de soi ainsi que le processus de pensée logique qui apparaît dans une telle période d'altération et de confusion cérébrale soulèvent de singulières et troublantes questions à propos de notre compréhension actuelle de la conscience et de sa relation avec la fonction cérébrale. Cette capacité de sensations claires et ces processus complexes de perception pendant une période de mort apparente semblent contredire l'idée que la conscience soit localisée exclusivement dans le cerveau. 

 

 

 

 
 

 

 

 

(6) Apports de la tradition chrétienne

 

Voici quelques balises et critères de discernement des phénomènes « surnaturels » que, dans sa sagesse, l’Eglise peut proposer :

 

  • Ne pas confondre les plans naturel et surnaturel, il convient de respecter l’autonomie de la science et celle de la foi. Comme en d’autres domaines, l’Eglise refuse le piège du concordisme dont la visée est de faire coïncider les données de la science avec celles de l’Ecriture.

 

  • Une perspective en accord avec la foi fait entrevoir que l’EMI - dont la sensation de sortie du corps – ressemble aux manifestations subjectives produites par le cerveau lorsqu’il est placé dans des conditions critiques (manque d’oxygène, hypercapnie, etc.).  A ce moment, le cerveau est en survie mais pas encore « cliniquement mort ».

 

  • Dans son Credo, l’Eglise professe la résurrection, et donc une vie après la vie ; la mort est la séparation de l’âme et du corps ; l’âme ne peut quitter le corps sans entraîner une mort physiologique irréversible, on ne revient donc pas de la mort ; l’âme séparée ne revient pas animer le corps qu’elle a quitté ; les EMI sont une expérience en deçà de la mort, elles ne livrent pas de lumière sur l’Au-delà. L’âme séparée emporte avec elle, de l’autre côté de la mort, la capacité d’animer une portion de matière qui reconstituera son propre corps (résurrection de la chair) lors de la venue en gloire du Christ (Jugement dernier - fin du monde). L’âme purifiée transfigurera alors le corps qu’elle animera. 

 

  • La décorporation ne démontre en rien le dualisme de l’âme et du corps, ni la préexistence d’une âme appelée à se réincarner ; la décorporation est une expérience subjective que rien n’autorise à ce stade à penser qu’elle corresponde à une réalité objective ;

 

  • Les EMI existent et des personnes en ont vécues réellement. On l’a compris le danger serait de transformer leur expérience en réalité, de croire à l’objectivité du contenu de leurs récits d’EMI.

 

  • Pour le passage qu’est la mort, il n’y a pas de défunt ou d’ange préposés pour guider ce voyage; c’est le Christ qui, en détruisant la mort par sa passion et sa résurrection, est le seul guide véritable.